Voici une lettre privée de commande. J'espère qu'elle vous émouvra également et vous donnera quelques idées d'envois postaux !
Objet : Un homme exprime sa gratitude envers une inconnue.
L'expéditeur autorise la diffusion de son courrier, sous couvert d'anonymat.
"Madame,
Vous ne connaissez pas mon identité exacte mais vous m’avez déjà aperçu à de nombreuses reprises. Si je vous adresse ce courrier aujourd’hui, c’est dans l’espoir qu’il dissipe vos craintes à mon endroit.
Depuis plus d’un an, je fais du sport sur les quais de Seine, à ----. À de nombreuses reprises, nous nous sommes retrouvés dans ce même lieu au même moment. De nombreuses fois, nos regards se sont croisés. Au fur et à mesure de mes venues, j’ai ainsi pu observer une gêne de votre part. De façon intuitive, je la justifierais par ma présence non loin de vous.
Or, je tenais à vous rassurer quant à mes intentions à votre égard. Je ne cherche ni à vous faire peur, ni même à me rapprocher de vous. En aucun cas, je ne porterai atteinte à votre sécurité ou à votre intégrité. Certes, mon comportement peut paraître suspicieux. Une fois que je vous l’expliciterai, j’espère qu’il vous apparaîtra pour ce qu’il est véritablement, courtois et bienveillant.
Si je m’accroche à votre regard, c’est parce qu’il m’a aidé jusqu’à aujourd’hui. Venir faire du sport à ---- me demande un courage dont vous ne pouvez pas soupçonner l’existence. Or, en vous sachant non loin de moi, j’appréhende l’exercice avec beaucoup plus de sérénité. Grâce à votre présence régulière, vous m’apparaissez telle une figure de stabilité et de persévérance, deux qualités dont j’ai besoin pour me tenir là où vous m’apercevez.
Mon récit semble étrange. Pour me comprendre et dissiper toute bizarrerie, voici des détails qu’il vous faut connaître. J’ai développé des troubles anxieux à la mort de ma mère. En décembre 1991 et alors que j’apprenais à conduire, j’ai perdu le contrôle du véhicule. C’était à ----, soit là où nous nous croisons. Ma mère est décédée sur le coup. Depuis ce jour, je porte la culpabilité de sa mort. Par ailleurs, j’ai développé une peur traumatique à l’idée de revenir sur le lieu de l’accident, alors même que j’habite à cinq minutes de celui-ci.
En vérité, il aura fallu attendre une pandémie et l’impossibilité à aller courir en salle pour que je prenne mon courage à deux mains et me pousse à faire du sport là-bas. Mon objectif était de dépasser mon traumatisme et de me rendre fier.
La première fois que j’ai couru à ----, vous étiez présente. Vous l’ignorez mais vous avez alors été un point d’appui psychologique pour moi. J’ai réussi à dépasser ma peur, au point de souhaiter revenir fréquemment sur place pour enterrer définitivement ce passé derrière moi.
Je suis professeur -----, j’entraîne une équipe féminine et je suis marié. Je veux simplement aller mieux en venant ici, en aucun cas vous angoisser. Aussi, ayez l’assurance que je n’attends rien de vous et qu’il n’y a aucun stratagème à ma présence, autre que le plaisir de faire du sport et de dépasser ma peur traumatique.
Certes, mes gestes parfois paraissent inappropriés ou insensés ; ils sont la manifestation de troubles anxieux invaincus. En effet, j’ai développé de l’aérophobie. Cette peur panique du vent peut me pousser à terre, au point de me paralyser. Même si un thérapeute m’accompagne dans ma guérison, il m’arrive encore de défaillir et de faire des crises. Cela s’est déjà produit à ----. Aussi, si vous me voyez dans une délicate posture, je vous serais reconnaissant de ne pas en prendre personnellement ombrage.
Ma femme aurait pu vous raconter tout ceci pour vous rassurer. Mais elle avait raison : il me revient d’expliquer ma propre histoire.
Madame, c’est avec joie que je vous croiserai une prochaine fois lors d’une séance sportive. Si vous en avez envie, n’hésitez pas à venir vers moi échanger à propos de ce courrier.
Bien à vous,
M. XXXX"