Le Festival Premiers Plans d’Angers, pour sa 36e édition du 20 au 28 janvier, consacre une rétrospective à Ken Loach.
Voici ma critique de son premier long-métrage « Pas de larmes pour Joy », également disponible ici : https://www.bande-a-part.fr/cinema/dossier/magazine-cinema-ken-loach-festival-premiers-plans-angers-2024/
Pas de larmes pour Joy (1967)
« Quand on n’a que l’amour, à s’offrir en partage (…) ». Cette chanson de Jacques Brel aurait pu illustrer la vie de Joy, l’héroïne du premier long-métrage de Ken Loach, si le réalisateur ne lui avait pas préféré des tubes anglo-saxons des années 1960. L’amour est si polysémique ici qu’il nous fait un peu oublier le caractère social du propos, soit ce qui allait devenir l’empreinte du cinéaste. Joy aime comme une enfant, comme une mère, comme une maîtresse. Et Joy vit des désamours, épisodiques ou permanents.
« Be Not Too Hard », chante Donovan, quand Joy s’auto-flagelle en promenant avec ennui et désespoir son bébé. Pour faire passer le temps consacré à laver son linge ou à changer ses couches, elle allume la radio. Les mélodies entraînantes fusent. « Day Dream » du groupe folk The Lovin’ Spoonful ou encore « Something’s Coming Along » du groupe montréalais anglophone Les Sceptres lui font de nouveau voir la vie en rose. C’est qu’elle ne se laisse jamais longtemps abattre, Joy. Elle cherche la joie, Joy. Avec sa coiffure blonde et son physique de midinette, on confondrait presque la pétillante Carol White avec Brigitte Bardot. Même charme magnétique, mêmes amours passionnelles et destructrices. D’abord mère au foyer désenchantée et épouse battue, Joy devient femme indépendante et audacieuse. Mais l’argent manque toujours. Un peu, beaucoup.
Ken Loach esquisse la modestie des jeunes mères célibataires anglaises des années 1960. Petit appartement non meublé dans les faubourgs peu sécurisants de Londres et jobs précaires… Néanmoins, s’il n’y avait pas ces chansons sixties et cette perruque blanche portée par un juge, saurions-nous dater le récit ? Certainement pas, et là est la force de Pas de larmes pour Joy. La misère sociale et le mal de vivre restent, hélas, bien d’actualité aujourd’hui encore. On s’éprend de Joy, qu’elle vive hier ou aujourd’hui, même filmée sans esbroufe. Peut-être aussi parce qu’elle parle avec justesse de ses sentiments. « Le vrai bonheur, ça se bricole », répond-t-elle à un inconnu hors champ dans la dernière séquence. Est-elle chez un psy ? Dans un commissariat ? Face à un journaliste ? Qu’importe, au fond. La fin se veut aussi ouverte que son cœur.
Hélène Robert
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