Un virus virulent… Des frontières plus ou moins fermées… La crise sanitaire a eu raison de nombreux festivals de cinéma. Si certains ont été contraints d’annuler leur édition, d’autres se sont rabattus sur des manifestations en ligne. Mais, en définitive, combien d’entre eux ont-ils pu se targuer d’une présence en salles, quand tout, autour, restait porte close ? À entendre le retour d’expériences des festivaliers de Wiesbaden, leur participation au GoEast Film Festival fait figure d’exception… mondiale !
Dans cette charmante ville thermale et cossue d’Allemagne, proche de Francfort, une vingtaine de films a été diffusée au cinéma d’art et essai Caligari.
Crise sanitaire et cinéma
Afin de garantir la bonne tenue de sa vingt et unième édition, le GoEast Film Festival a multiplié les mesures de prudence, en réponse aux exigences gouvernementales.
Un seul mot d’ordre : test PCR négatif chaque matin pour tout festivalier.
Un cas positif ? Aussi inenvisageable… qu’inenvisagé ! Quarantaine à l’hôtel, annulation du festival, rancœur de toute une équipe à l’encontre du participant… De quoi regretter sa venue…
Heureusement, aucun résultat positif n’a été détecté. Il faut dire que la vigilance était extrême, avant même l’arrivée des convives à l’aéroport de Francfort. Voyager en temps de COVID pour une Française induit une pile de contraintes à surmonter. Tests, attestations, justificatifs, formulaires en tous genres…
À Francfort, un taxi attendait chaque invité pour l’amener à son hôtel à Wiesbaden. Très vite, la discussion a porté sur l’organisation particulière en ce printemps 2021. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : vingt-six invités seulement ont été autorisés à assister au festival, soit 90% de personnes en moins que les saisons précédentes.
Notre (très) petit comité s’est révélé soudé et enthousiaste à l’idée de (re)voir des films en salles ! Comme vous, cela faisait des mois que nous n’étions pas entrés dans un cinéma. Certains de mes camarades d’aventure ne se souvenaient même plus du dernier film vu sur grand écran… Sur place, la bizarrerie d’un monde menacé par la contagion s’est poursuivie. Pour les jurés croates et ouzbeks non habitués à la fermeture des lieux publics ou au port obligatoire du masque, la surprise a été réelle. Il nous fallait également respecter un couvre-feu et réaliser un test PCR avant d’entrer dans les lieux du festival, le cinéma Caligari et le Musée d’histoire naturelle de Wiesbaden. À la fois réfectoire et plateau de tournage des événements en ligne, ce dernier a également été le siège d’un centre de test PCR.
Se faire racler la gorge ou le nez entre un rat empaillé et des feuilles de chêne… quelle expérience singulière ! Même peu agréable, ce rite de passage s’est transformé en moment chaleureux : les langues s’y déliaient et nous partagions nos ressentis. Et la préférence des jurys est allée, à l’unanimité, au test salivaire !
Et les films, dans tout ça ? Leur diffusion avait un parfum de projection privée. En effet, nul public extérieur n’a été autorisé à entrer dans la salle de cinéma, seulement ouverte aux invités et aux organisateurs du festival. Triste situation transformant l’expérience émotionnelle et universelle du grand écran en entre-soi pour professionnels.
Compétition officielle et coups de cœur
Le GoEast Film Festival attire beaucoup de jeunes cinéastes d’Europe. Pas moins de six cents films ont été présentés pour concourir en compétition officielle. Seuls seize d’entre eux – neuf fictions et sept documentaires – ont été retenus. Peut-être en raison du temps de préparation d’un film, aucun long-métrage reçu par les programmateurs n’évoquait une quelconque pandémie. Dans l’ensemble, les thématiques abordées n’étaient pas spécifiques à la culture du pays filmé. Elles se révélaient très accessibles au public occidental, à la fois d’ordre affectif et social. Les questions soulevées ? Comment empêcher un mariage forcé au Kazakhstan (Ulbolsyn, comédie noire et absurde réalisée par Adilkhan Yerzhanov) ? Comment abandonner un amour impossible, dans la grande tradition des films romantiques et des tragédies grecques (Preparations to Be Together for an Unknown Period of Time, fiction de Lili Horvát) ? Ou encore, comment pardonner à sa famille de ne pas toujours être à la hauteur (Holy Father, documentaire roumain réalisé par Andrei Dăscălescu ; Life of Ivanna, documentaire russe réalisé par Renato Borrayo Serrano) ?
Le festival s’étant déroulé à la fois en présentiel et en ligne, son acmé fut le tournage vidéo de la cérémonie de clôture et de remise de prix. En temps de crise sanitaire, chaque geste emprunte à la restriction. Avant de passer devant la caméra, étape maquillage. Idée joyeuse ! Mais dédiée à l’unique œil de l’appareil, le port de masque redevenant obligatoire à la sortie du plateau de tournage… Avant de remettre un prix, les répétitions pour investir la scène sont de mise. Règle logique, mais très contraignante quand il s’agit de se mouvoir selon un positionnement strict des caméras, d’après les distances gouvernementales requises. Enfin, pas plus de trois personnes sur scène. C’est déjà bien ! Mais c’est aussi trop peu, lorsque l’on voudrait accueillir en chœur jurés et primé.
Palmarès – FIPRESCI :
La récompense cinématographique remise par la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique (FIPRESCI) a été attribuée à :
Bébia, à mon seul désir, fiction réalisée par Juja Dobrachkous
L’histoire initiatique de l’adolescente Ariadna séduit par son mystère, sa dimension impénétrable et son esthétisme léché en noir et blanc. Le film mélange le mythe du fil d’Ariane avec l’expérience du deuil en jouant sur les frontières entre vivants et morts, passé et présent. Il nous tarde de le redécouvrir en France lors de sa sortie hexagonale !
Bande-annonce ici.
Please Hold the Line, documentaire réalisé par Pavel Cuzuioc
Le réalisateur a suivi pendant un an un technicien spécialiste de câblage (téléphonie, télévision, etc) dans plusieurs pays d’Europe. Sa technique ? Poser la caméra chez différents clients et les laisser parler. Qui aurait cru qu’un technicien recevait autant de confidences personnelles pendant ses interventions ? Documentaire aussi drôle qu’émouvant, Please Hold the Line met en lumière la solitude des individus, prêts à échanger auprès de toute oreille bienveillante.
Bande -annonce ici.
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